"Redéfinir le luxe et la durabilité à travers les imaginaires"

Explorer le futur de l'hospitalité avec Brune Poirson, Directrice du développment durable chez Accor

Dans un contexte où les enjeux environnementaux prennent une place prépondérante, l’industrie de l’hospitalité est confrontée à des défis de taille. De la durabilité à la redéfinition du luxe, en passant par la nécessité de revoir les expériences client, ces problématiques complexes exigent des approches novatrices et engagées. Plongeons dans l’avenir de l’hospitalité avec Brune Poirson, directrice du développement durable du Groupe Accor. Bénéficiant d’une expérience à la fois dans le secteur public et privé, incluant des responsabilités au sein du Parlement français et en tant que secrétaire d’État à la Transition écologique, Brune nous livre des perspectives précieuses sur les défis et les opportunités auxquels fait face l’industrie de l’hospitalité.

Avec l’agenda zéro émission nette en ligne de mire, quels sont les principaux défis en matière de développement durable auxquels est confrontée l’industrie de l’hospitalité aujourd’hui ?

Les défis sont à la fois nombreux et reliés les uns aux autres. Un des principaux problèmes est de changer notre façon de voyager. Actuellement, grâce aux possibilités offertes par le transport aérien, beaucoup de gens voyagent sur de longues distances pour de courts séjours en ne tenant pas suffisamment compte des limites de la planète. Pour résoudre ce problème, il faut proposer des options différentes, comme choisir des destinations plus proches, des séjours plus longs ou combiner voyages d’affaires et loisirs, afin de réduire l’impact environnemental des voyages longue distance.

Par ailleurs, il est essentiel de réduire les émissions de carbone des bâtiments d’hébergement, qui contribuent de manière significative aux émissions de CO2 à l’échelle mondiale. Cela signifie repenser la façon dont ces bâtiments sont conçus et exploités pour diminuer leur consommation d’énergie et leurs émissions.

Le secteur agricole joue également un rôle important en raison du grand nombre de repas servis dans le cadre de l’hospitalité - environ 150 millions par an. Nos choix alimentaires, la façon dont les menus sont élaborés et cuisinés ont un impact direct sur la biodiversité et l’environnement. Promouvoir des pratiques agricoles durables et privilégier les produits locaux peut aider à atténuer ces impacts.

Enfin, la responsabilité sociale est primordiale. Avec un grand nombre de travailleurs dans le secteur de l’hospitalité, il est important de leur offrir des opportunités d’emploi et de formation, tout en garantissant des conditions de travail équitables et inclusives.

Mieux tenir compte des limites planétaires devient un enjeu dans la redéfinition des expériences de luxe. Comment peut-on le transformer en une occasion de sensibiliser les clients à des pratiques plus durables ?

La transition vers des expériences de luxe durables représente une opportunité exceptionnelle de guider nos clients vers une forme de voyage plus responsable. Aujourd’hui, le véritable luxe réside en réalité dans le fait de profiter de ce qui élève notre esprit sans nuire à notre planète ni à notre société. Je ne vois pas comment quelque chose peut être considéré comme luxueux s’il crée plus de problèmes qu’il n’en résout. En intégrant la durabilité au cœur même du concept de luxe, nous prouvons que le respect de l’environnement n’implique aucune privation. En retour, cela contribue à créer de nouveaux imaginaires et des désirs pour des produits et des expériences plus responsables.

Le secteur de l’hospitalité est parfaitement positionné pour prendre le leadership et montrer comment la durabilité peut enrichir nos voyages. À travers des récits captivants et des expériences uniques, nos clients peuvent prendre conscience de l’impact de leurs choix sur l’environnement. Par exemple, en proposant des visites guidées dans des fermes locales, fournisseurs de notre cuisine raffinée, nous permettons à nos hôtes de renouer avec la source.

Il est essentiel pour le futur de l’industrie hôtelière de traduire ses ambitions en actions concrètes sur le terrain.

Comment Accor innove-t-il et met-il en œuvre de nouvelles pratiques au niveau local ?

Chez Accor, nous nous engageons à concrétiser cette ambition par des actions tangibles au niveau local afin de promouvoir des pratiques durables en matière d’hospitalité. Évidemment, nous nous attachons également à répondre aux enjeux matériels évoqués sur les précédentes questions. L’une de nos initiatives consiste par exemple à repenser les expériences culinaires en abandonnant les buffets, connus pour leur gaspillage alimentaire élevé, au profit d’options à la carte mettant en valeur des ingrédients locaux. Il ne s’agit pas seulement de réduire les déchets, mais aussi de réinventer notre approche en créant un cercle vertueux qui soutient les agriculteurs locaux et préserve la biodiversité. Nous veillons également à offrir des expériences enrichissantes à nos clients, telles que des visites guidées ou des rencontres avec des artisans locaux, favorisant ainsi l’échange culturel et la sensibilisation environnementale. Enfin, nous encourageons nos employés à poursuivre leurs efforts grâce à des programmes de formation.

Enfin, qu’est-ce qui vous rend optimiste quant à l’avenir et comment définiriez-vous votre raison de l’aimer ?

Mon optimisme découle de notre capacité à relever des défis sans précédent. Nous sommes à un carrefour crucial où les révolutions numérique et environnementale se croisent, ouvrant ainsi la voie à d’importantes opportunités. C’est une période propice pour les individus et la société, où nous sommes invités à réfléchir à nos responsabilités et à comment modeler notre destin collectif. Allons-nous jouer un rôle actif dans l’orientation de ces changements, ou allons-nous simplement rester des observateurs passifs ? Pour ma part, je crois fermement au pouvoir des individus à agir sur le futur. Et comme le disait Camus, "il faut imaginer Sisyphe heureux".