Nous avons besoin aujourd’hui de nouveaux récits qui donnent de l’espoir
Rose-May Lucotte est la co-fondatrice de ChangeNOW, l’acteur clé facilitateur de la transition écologique et sociale, qui organise depuis 3 ans le plus grand événement des solutions pour la planète. Diplômée de l'EM Lyon, elle entame une carrière dans le marketing avant de quitter ce poste pour se lancer dans l'aventure ChangeNOW. En octobre dernier, elle était invitée au Centre Georges Pompidou à notre événement 100 raisons d'aimer le futur
, dédié aux femmes. Elle nous a fait prendre conscience de l’importance de la coopération entre acteurs privés, publics et citoyens, du rôle des nouveaux récits pour accélérer la transition écologique et sociale.
Je me souviens de mon premier cours en école de commerce. C’était il y a 18 ans et je me rappelle parfaitement de la question du professeur : quelle est la mission première d’une entreprise ?
. Après avoir laissé réfléchir quelques instants ses étudiants, il a dit, sur le ton d’une proposition qu’on ne peut pas refuser : la mission première d’une entreprise, c’est de maximiser son profit
.
J'avais 20 ans à l'époque et je ne pouvais tout simplement pas imaginer consacrer les 40 prochaines années de ma vie à un objectif aussi froid et détaché des réalités du monde. Donner du sens à ma vie, à ma carrière ainsi qu’aux entreprises que j'intégrerais s’imposa comme une évidence. Je commençai ma carrière en travaillant pendant huit ans dans le marketing de la santé avant de me lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale. L’objectif ? Accompagner les sociétés pour qui le profit n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'accomplir une raison d’être plus ambitieuse.
Nous appelons ces entreprises les héros du changement
. Leur mission est d’agir pour un monde plus durable et plus humain. Nous avons lancé le sommet ChangeNOW en 2017 dans le but d'accélérer le développement de ces héros du changement
. ChangeNOW est devenu en quelques années le plus grand événement mondial des solutions pour la planète. Chaque année, nous présentons plus de 1 000 solutions venant du monde entier. Nous rassemblons également 30 000 participants, parmi lesquels des investisseurs, des médias, des institutionnels, des hauts dirigeants mais aussi des ministres, des experts scientifiques, des artistes, des activistes, des peuples indigènes, et du grand public.
Je veux dire par-là que nous faisons se rencontrer des gens qui ne se croisent pas naturellement. Quoi de plus excitant que de voir l’uniformisation propre au monde de l’entreprise être dépassée ? Que de faire en sorte que des parties prenantes perçues comme antinomiques puissent échanger ensemble ? Pour ma part, je crois fermement que le rôle de la coopération est essentiel dans la transition.
Laissez-moi vous donner quelques exemples : nous avons vu, à ChangeNOW, le Président de la COP15 contre la désertification rencontrer pour la première fois le Président de la Grande muraille verte – ce vaste projet visant à revégétaliser l'Afrique d'est en ouest. Le fait est qu’ils ne collaboraient pas encore ensemble. Nous avons également vu un fonds de protection des océans lever ses premiers millions d'euros et devenir en quelques années le plus grand fonds mondial de protection des océans, grâce notamment aux réunions organisées lors du sommet ChangeNOW. Nous avons vu tant de startups, d'innovateurs, collaborer avec de grands groupes puis se développer à l’international, dans près de 20 à 25 pays, touchant ainsi des millions de foyers. Il existe tant de solutions. De nombreuses innovations et entrepreneurs sont à nos côtés, ici et maintenant. Ce dont ils ont besoin, c'est d'être soutenus, découverts, que leurs solutions soient adoptées.
La coopération est une chose. Mais ce dont nous avons aussi absolument besoin aujourd’hui, c’est d’enthousiasme. Nous devons avoir l’envie que la transition écologique se réalise bel et bien. Nous devons envisager l’avenir de manière positive. Les discussions rationnelles, statistiques, si elles sont essentielles, ne suffisent plus à faire bouger les individus. Pire, elles peuvent faire peur, paralyser et nous faire perdre espoir. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de nouveaux récits qui redonnent de l’espoir. De nouveaux récits qui soient sources d’inspiration.
Prenons par exemple la courbe d’adoption d’un produit, d’une idée ou de la transition écologique. Le constat est sans appel : les discours qui ont fonctionné auprès des premiers adeptes ne parviennent plus à convaincre la majorité. C'est ce que l’on appelle en langage économique le gouffre de Moore*. Or, pour franchir ce gouffre, nous devons repenser notre façon de parler de la transition. Nous devons inventer de nouveaux récits.
L’événement 100 raisons d’aimer le futur
a été l’occasion d’évoquer de nouveaux récits. C'est là également l’une des raisons d’être de ChangeNOW. Présenter des solutions et de nouveaux récits qui incarnent un monde plus désirable et durable. Des nouveaux récits qui ont vocation à être présentés avec positivité et enthousiasme.
Si j’aime le futur, c’est que je vois chaque année des milliers d’individus et d’entreprises s’engager pour un monde meilleur. Des milliers de femmes et d'hommes qui agissent et mettent leur intelligence au service de ce que je considère comme le plus grand défi auquel l'humanité ait jamais fait face.
Car il est plus que jamais tant d’agir : chaque dixième de degré de réchauffement climatique évité permettra de sauver des millions de vies et d’espèces. Non seulement nous devons agir mais nous pouvons encore s agir !
Je vais vous raconter une histoire qui donne de l’espoir. ChangeNOW a reçu en 2020 une startup slovène, appelée Planet Care, qui développe des filtres à microfibres de plastique pour les machines à laver. Le fait est que chaque fois que vous effectuez un cycle de lavage, vous libérez des microplastiques dans l’eau. Ces mêmes microplastiques sont rejetés dans les égouts avant de se retrouver dans l'océan. C’est ainsi que la majeure partie de la pollution des océans est due à ces rejets de microplastiques. Lors de leur passage chez ChangeNOW, les dirigeants de la startup ont pu rencontrer Brune Poirson, qui était à l'époque Secrétaire d'État à la transition écologique et solidaire.
Leur rencontre a conduit à la mise en place quelques mois plus tard d'un nouvel article de loi stipulant qu'en France, à partir de 2025, toutes les nouvelles machines à laver devront être équipées de filtres à microplastiques. Cette mesure devrait permettre d’économiser jusqu’à 500 tonnes de microplastiques chaque année.
Que nous enseigne cet exemple ? Que l’existence d’actions concrètes permet de mettre en oeuvre des alternatives durables. Agissons car c’est de l'action que vient l'espoir ! Comme disait le Président Barack Obama, nous sommes la première génération à ressentir les effets du changement climatique… Mais nous sommes aussi la dernière à pouvoir agir.