Olivier EugèneHead of Climate Research, AXA IM
9 septembre 2022
Le contrôle de la température est la voie que nous devons emprunter pour atteindre le net-zéro. Le simple fait d’arriver au bout de ce voyage sera véritablement un exploit, et ne doit donc pas être considéré comme un fait acquis. Le chemin que nous arriverons à parcourir dépend des choix que nous faisons aujourd’hui. Il sera, quoi qu’il arrive, semé d’embûches, et d’autant plus cahoteux que la température que nous visons est basse.
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net-zéro, ne pourra être atteinte que lorsque la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère cessera d’augmenter.
Bien que complexes, les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – l’organisme des Nations unies (ONU) chargé d’évaluer le changement climatique – fournissent des analyses de pointe.
Dans son étude intitulée Climate Change 2021: The Physical Science Basis, le GIEC est on ne peut plus clair sur la cause profonde du réchauffement climatique, en affirmant qu’ il est incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres
.
Il ajoute qu’ il y a une relation quasi linéaire entre les émissions anthropiques cumulées de CO₂ et le réchauffement global qu’elles provoquent1
.
En d’autres termes, le changement climatique est la conséquence de l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Les activités humaines en sont la cause et sont donc responsables de la hausse des température sur la planète.
Il est aujourd’hui largement admis que le changement climatique représente le plus grave risque auquel notre planète est confrontée. Compte tenu des phénomènes météorologiques extrêmes observés ces dernières années, une action urgente est clairement nécessaire.
L’ONU a alarmé sur les fait que pour éviter les pires conséquences de changement climatique et conserver un monde vivable, l’augmentation de la température mondiale doit être limitée à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Actuellement, la planète est déjà plus chaude d’environ 1,1 °C par rapport à la fin des années 1880, et les émissions continuent d’augmenter2
.
Par conséquent, pour stopper le réchauffement climatique et limiter la hausse des températures, nous – la civilisation humaine – devons cesser de rejeter du dioxyde de carbone (CO₂) et d’autres gaz nocifs dans l’atmosphère.
En matière de lutte contre le changement climatique, on évoque souvent le net-zéro
et les actions visant à limiter l’augmentation de la température mondiale, deux sujets à la fois connexes et distincts, que nous allons examiner ci-dessous.
Dans la terminologie employée par le GIEC, on parle de net-zéro lorsque les émissions anthropiques (c’est-à-dire provoquées par l’homme) sont contrebalancées par les absorptions anthropiques. Cette définition s’applique à toutes les émissions : en dehors du CO₂, qui reste la source principale, d’autres gaz sont aussi concernés, notamment le méthane3.
Pour simplifier, on parle de net-zéro lorsqu’on ne constate plus aucun ajout net de GES dans l’atmosphère et que leur concentration n’augmente plus. C’est ce que représente la ligne jaune dans le graphique n°1. Le fait qu’il n’y ait plus aucun ajout net de GES peut également freiner la hausse des températures, mais avec un certain décalage.
(Source: World Resource Institute, AXA IM)
Concrètement, cela signifie que nous devons considérablement réduire notre utilisation des combustibles fossiles, transformer nos processus industriels et colmater les fuites de GES dans nos infrastructures.
Le net
de net-zéro
signifie que des GES seront toujours émis (en vert sur le graphique n°1), mais qu’ils seront compensés par des puits de carbone (en rose) consistant principalement en l’utilisation de solutions naturelles, (comme l’expansion des zones forestières consommatrices de carbone) ou de solutions technologiques qui nettoient
l’atmosphère, par exemple grâce à la capture du carbone.
Le zéro brut
signifie qu’il n’y a plus aucune émission absolue de GES due aux activités humaines . Si atteindre le net-zéro représente déjà un immense défi, le zéro brut est probablement inenvisageable.
Il est important de noter que le net-zéro peut survenir n’importe quand, à partir du moment où les émissions cumulées cessent d’augmenter ; ce qui essentiel, c’est que la voie empruntée pour atteindre le net-zéro est en mesure de déterminer l’augmentation de la température mondiale.
En bref, nous devons viser le net-zéro si nous voulons réussir à limiter l’impact négatif de l’homme sur la planète.
Selon le GIEC, l’augmentation moyenne de la température entre 1850 et 2019 est de l’ordre de 1,07 °C4.
En substance, l’organisme affirme que la température de surface de la planète va continuer à augmenter au moins jusqu’au milieu du siècle
, car le système climatique de la Terre fait qu’il peut s’écouler beaucoup de temps entre la production d’émissions et leur impact final sur la température de la planète.
La quantité de GES que nous avons déjà émis a d’ores et déjà entraîné un verrouillage de l’augmentation de la température pour les 20 à 30 prochaines années. A moyen terme, soit entre 2041 et 2060, les différents scénarios du GIEC prévoient dans tous les cas un réchauffement d’au moins 1,6 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et souvent supérieur à 2 °C.
L’Accord de Paris de 2015, signé à la fin de la COP21, vise à maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en deçà de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre les efforts pour limiter cette augmentation à 1,5 °C
, soit en dessous de la meilleure prévision à moyen terme du GIEC, qui la fixe à 1,6 °C5.
Il s’agit aujourd’hui de la référence la plus courante parmi les nombreuses initiatives actuelles en faveur du climat, telles que la Net Zero Asset Management Initiative (NZAMI) ou la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ).
La température résulte de la concentration des GES. Pour remplir les objectifs de l’Accord de Paris, notamment, les émissions nettes doivent être réduites de 100 % pour pouvoir atteindre le net-zéro à un moment donné. La date butoir n’est pas gravée dans le marbre ; elle dépend de la vitesse à laquelle nous parviendrons à réduire nos émissions.
Plus la température que nous considérons comme convenable à la vie humaine est basse, plus les émissions doivent être réduites rapidement. Le graphique n°2 illustre l’évolution de la température en fonction de divers scénarios et démontre de manière frappante que des émissions cumulées de GES plus élevées engendrent des températures plus élevées.
(Source: World Resource Institute, Climate Action Tracker, AXA IM)
Dans son rapport d’avril 2022 (Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change), le GIEC indique que pour limiter le réchauffement à 2 °C, les émissions devraient être réduites de 27 % d’ici 2030 et de 63 % d’ici 2050, par rapport à leurs niveaux de 2019. Pour atteindre la limite d’1,5 °C, elles devraient être réduites de 43 % et de 84 % respectivement 6.
Pour conclure, le contrôle de la température est la voie que nous devons emprunter pour atteindre le net-zéro. Le simple fait d’arriver au bout de ce voyage sera véritablement un exploit, et ne doit donc pas être considéré comme un fait acquis. Le chemin que nous arriverons à parcourir dépend des choix que nous faisons aujourd’hui. Il sera, quoi qu’il arrive, semé d’embûches, et d’autant plus cahoteux que la température que nous visons est basse.
Mais il est vital de réduire drastiquement les émissions de GES dans l’atmosphère, en abandonnant les combustibles fossiles au profit d’alternatives plus vertes et renouvelables. Si nous échouons, c’est l’économie mondiale et la possibilité d’un avenir prospère pour les hommes et pour la planète que nous mettons en péril.
La version française est une traduction de l’article original en anglais, à des fins informatives exclusivement. En cas de divergences, l’article original en anglais prévaudra.