8 octobre 2020

Impact des troubles psychologiques sur la santé physique : comment la Covid-19 modifie les perspectives de l’industrie.

Une interview d’Antimo Perretta, PDG AXA Europe, et Alexander Vollert, PDF AXA Allemagne.

Santé mentale

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Contenu original : Fonds AXA pour la Recherche

En juin 2020, AXA a demandé à 5 800 personnes issues de sept pays européens de décrire l’état de leur santé mentale avant et pendant l’épidémie de coronavirus. Pourquoi avoir lancé cette étude ?

Perretta : Cela fait un certain temps que nous nous intéressons aux liens entre bien-être physique et santé mentale. En tant qu’assureur – mais aussi du point de vue de la société en général -, il nous semble évident qu’il est plus bénéfique d’investir en amont, de façon préventive, plutôt que dans le traitement des troubles de la santé mentale et physique.

Vollert : Les chiffres de l’OMS montrent que 25 % des Européens souffrent de dépression ou de troubles de l’anxiété : ces pathologies sont à l’origine de la moitié des arrêts maladie. Cela dit, il a été démontré que le stress, lorsqu’il est permanent, rend les gens physiquement malades. C’était déjà le cas avant la pandémie. Nous avions l’intuition que la crise de la Covid aggraverait cette tendance, car les crises sont toujours des moments de stress intense. D’où cette étude. 

Votre intuition s’est-elle confirmée ?

Vollert : La pandémie et les mesures qu’il a nécessairement fallu prendre pour la contenir – confinement, distanciation sociale – pèsent très lourd sur la population. La proportion d’Européens qui se disent psychologiquement mal en point a triplé depuis le début de la pandémie. Ceux qui ont déjà souffert de problèmes psychologiques, ou ceux qui ont des prédispositions à l’anxiété et à la dépression, ont à présent de plus en plus l’impression d’avoir perdu le contrôle de leur existence.

Quel est l’impact de ces nouveaux troubles psychologiques sur la productivité au sein de l’entreprise ?

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 Vollert : Même en temps normal, le coût des arrêts maladie liés à des troubles affectifs ou de santé mentale s’élève en Europe à 170 milliards d’euros par an en moyenne. Le stress supplémentaire généré par la pandémie risque de faire augmenter ce chiffre de façon significative.

La proportion d’Européens qui se disent psychologiquement mal en point a triplé depuis le début de la pandémie. 

Quelles conclusions le groupe AXA peut-il tirer de cette étude, en tant qu’employeur ?

Perretta :  Avant la pandémie, nous nous préoccupions déjà de la santé mentale de nos collaborateurs, en leur fournissant un cadre de travail susceptible d’améliorer leur bien-être. Nous sommes actuellement en train de mettre au point des prestations plus globales, car la pandémie nous a confirmé, une fois de plus, que ces modernisations sont nécessaires. C’est l’occasion pour nous d’aller encore plus loin dans le perfectionnement.

Aujourd’hui encore, le télétravail est très largement pratiqué. Qu’est-ce que cela signifie pour notre vie professionnelle ?

Perretta : Le besoin, et même le manque, d’interactions sociales entre collègues sont probablement plus forts que jamais. Les questions que nous devons à présent nous poser sont : comment créer des espaces sociaux au sein de l’espace professionnel ? Et, à plus long terme : quelle sera la fonction du bureau dans le futur ?

Comment la pandémie influence-t-elle le secteur de l’assurance santé ?

Perretta : Nous revendiquons depuis longtemps une approche holistique, en tendant à considérer que le corps et l’esprit ne font qu’un. À nos yeux, la santé mentale est l’un des principaux leviers de la prévention. En ces temps difficiles, de plus en plus de gens sont préoccupés par leur santé et ont besoin de nos conseils et de notre soutien pour rester en bonne santé ou pour se remettre sur pied. De manière générale, les troubles mentaux sont de moins en moins stigmatisés, en particulier en Espagne et en Italie, pays durement touchés par la Covid-19. Dans les milieux d’affaires, on a beaucoup parlé de la résilience de la chaîne d’approvisionnement face aux crises à venir. Dans le domaine de la santé, la résilience désigne le fait de rendre les gens psychologiquement plus résistants. C’est par cela que nous devons commencer.

Quelles pourraient être ces modernisations dont vous parliez plus haut ?

Vollert : Nous considérons nos clients comme des partenaires à vie. Dans ces  nouvelles conditions de normalité  qui continuent d’émerger, nous voulons atteindre les gens à travers le numérique et les services à distance, notamment la télémédecine, qui revient à rencontrer les patients chez eux, via leurs propres équipements numériques. La pandémie a rendu la population globalement plus ouverte et plus réceptive aux solutions numériques – y compris les personnes âgées, qui jusqu’ici étaient considérées comme moins à l’aise dans ce domaine.

Lorsque les approches médicales classiques ne sont pas assez évidentes ou trop peu disponibles, nous avons à présent l’opportunité de compléter le système de soins traditionnel par des solutions digitales, surtout à l’heure où les traitements  classiques  sont plus difficiles d’accès. En Allemagne, par exemple, nous proposons une aide online très complète, grâce à notre programme Meine gesunde Seele ( Mon âme en bonne santé ). Au Royaume-Uni, notre service de médecine générale Doctor@Hand a vu le nombre de ses utilisateurs plus que doubler pendant le confinement, en particulier au sein des générations les plus jeunes, qui ont été excessivement touchées.

De manière générale, les troubles mentaux sont de moins en moins stigmatisés, en particulier en Espagne et en Italie, pays durement touchés par la Covid-19. 

Selon vous, la société va donc se trouver profondément modifiée par cette crise ?

Perretta : Lorsque nous avons décidé de lancer cette étude en janvier 2020, le monde était différent de celui d’aujourd’hui. Maintenant qu’un nouveau statu quo est apparu, nous devons en tirer des leçons. Malgré tout, cette situation inédite a des bons côtés : 60 % des personnes interrogées disent que la Covid-19 a modifié leur perception du bien-être mental ; 70 % d’entre elles disent avoir appris à mieux accepter que l’on puisse avoir besoin d’un soutien au niveau professionnel – encore un signe que la stigmatisation des maladies mentales commence à reculer. C’est cet état d’esprit que nous devrions chercher à conserver, même une fois que la crise sanitaire aura pris fin.

Et quel est le rôle d’un assureur, dans tout cela ?

Vollert : Les questionnements sur les systèmes de soins sont de plus en plus importants dans la société. Nous débattons sur leur résilience, tandis que les économies engagent d’énormes investissements, partout sur la planète, dans la recherche sur les vaccins. Un bon système de santé est aussi l’une des clés d’une économie durable. Certes, la protection de la biodiversité et du climat est un aspect fondamental des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ; mais une bonne gestion ne peut se concevoir sans un volet  social . En tant qu’assureur, notre rôle est de contribuer à ces débats afin de faciliter l’accès à des traitements médicaux de très bonne qualité.

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