11 février 2022
En moyenne, le Vietnam est frappé par des typhons au moins une fois par an. Le long littoral du pays, densément peuplé de 20 millions d’habitants, est exposé à des ondes de tempête dévastatrices et à des vents pouvant atteindre les 250 km/h lors des épisodes les plus intenses. Si le Vietnam a fait des progrès remarquables pour réduire les risques liés à ces phénomènes météorologiques, le changement climatique et l’urbanisation rapide des côtes devraient néanmoins continuer à faire augmenter ces risques.
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Par Eliot PERNET, Public Sector Business Developer, eliot.pernet@axa.com, Karina WHALLEY, Head of Public Sector solutions, karina.whalley@axa.com et Christelle CASTET, Climatologue chez AXA Climate, christelle.castet@axa.com
En moyenne, le Vietnam est frappé par des typhons au moins une fois par an. Le long littoral du pays, densément peuplé de 20 millions d’habitants, est exposé à des ondes de tempête dévastatrices et à des vents pouvant atteindre les 250 km/h lors des épisodes les plus intenses. Si le Vietnam a fait des progrès remarquables pour réduire les risques liés à ces phénomènes météorologiques, le changement climatique et l’urbanisation rapide des côtes devraient néanmoins continuer à faire augmenter ces risques.
Avec un budget restreint, le gouvernement doit réfléchir à la manière la plus efficace d’investir dès aujourd’hui pour mieux faire face à la menace croissante de demain.
Pour soutenir ces choix délicats, AXA Climate, le Fonds pour les solutions d’InsuResilience et l’ETH Zurich ont combiné leur expertise pour analyser le risque de typhon au Vietnam aujourd’hui ainsi qu’en 2050, et identifier les mesures d’adaptation les plus rentables, notamment les solutions issues de la nature, que pourraient prendre les décideurs politiques.
Rien qu’en 2020, le typhon Vamca, aggravé par plusieurs semaines de tempêtes et de fortes pluies, a touché des millions de Vietnamiens, endommagé ou inondé plus de 360 écoles et 800 000 maisons, et entraîné la mort de deux millions de têtes de bétail (1). Mais quel est le coût réel en dollars (ou en dôngs) de ces catastrophes ? Et dans quelle mesure ce coût aurait-il pu être allégé grâce à la mise en place d’un ensemble de mesures d’adaptation ?
Photo 1 : Ces dernières années, le Vietnam a été touché par plusieurs typhons, comme Damrey en 2017 (gauche) et Molave en 2020 (droite).
La modélisation des risques climatiques est essentielle pour éclairer les décisions de politique publique, en leur donnant une base scientifique solide, et doit donc être aussi transparente que possible (2). Une plateforme open-source (CLIMADA) a été utilisée pour modéliser les vents et les ondes de tempête des typhons au Vietnam. Cet outil possède une résolution de 1 km2 sur le littoral (résolution de la cellule de grille du modèle), et permet d’incorporer des prévisions de croissance démographique et économique à divers scénarios de changement climatique (3).
La modélisation des risques inclut traditionnellement trois paramètres :
Les pertes annuelles moyennes par zone sont ensuite calculées sur la base des probabilités d’occurrence des événements, du type et de la valeur des activités, du nombre d’habitants sur chaque zone et de leur vulnérabilité face à chaque type de catastrophe naturelle. Cette étude utilise 6 fonctions d’impact différentes (reliant les pertes attendues au niveau de gravité de l’événement) pour mesurer l’impact du vent et des ondes de tempête sur les cultures, les bâtiments et la population.
Selon les conclusions de cette étude, les ondes de tempête représentent le risque le plus important pour le Vietnam en termes de dégâts, même si les risques liés au vent et aux inondations augmenteront significativement d’ici 2050. Dans l’ensemble, cette étude estime qu’à l’heure actuelle, au Vietnam, le vent et les ondes de tempête provoquent respectivement 513 millions de dollars et 2,96 milliards de dollars de dommages aux cultures et aux habitations en moyenne, chaque année. Ces coûts devraient atteindre 767 millions de dollars et 3,45 milliards de dollars respectivement en 2050, dans l’hypothèse du scénario climatique le plus pessimiste (RCP 8,5), soit une augmentation d’un tiers des pertes annuelles moyennes (PAM) liées au vent et d’environ 19 % des PAM liées aux inondations. Les vents et les marées impactent autour de 2,2 millions de personnes par an en moyenne, un chiffre qui devrait passer à 2,5 millions d’ici 2050 selon le scénario le plus pessimiste.
Il est intéressant de noter que le changement climatique devrait avoir un effet ambivalent sur les typhons. Selon les prévisions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), on observera une diminution de la fréquence des tempêtes de faible intensité, mais une augmentation de celle des plus violentes. Globalement, l’accroissement du risque est dû en premier lieu à l’urbanisation ainsi qu’à la croissance démographique et économique et, dans une moindre mesure, aux effets du changement climatique.
Ces chiffres démontrent qu’il n’est pas simple de se prémunir contre les risques liés au climat. Il n’existe pas de remède miracle, mais plutôt une combinaison de mesures d’adaptation complémentaires à mettre en œuvre. La simulation de ces différentes mesures révèle qu’elles pourraient réduire les risques de manière significative, même si les hypothèses doivent être plus détaillées pour en tirer des conclusions définitives.
Construction de digues et de gabions : Les digues permettent d’empêcher les vagues de frapper la côte, tandis que les gabions (des casiers grillagés remplis de pierres) canalisent l’eau dans la bonne direction, limitant ainsi l’érosion côtière. La construction d’une digue de 150 km de long représenterait un investissement colossal d’environ 1,6 milliard de dollars et de 200 millions de dollars pour les gabions, mais permettrait de réduire considérablement les risques.
Plantation de mangroves : Les mangroves sont des écosystèmes tropicaux propres aux zones de marée, et dont les arbres contribuent à briser la houle et à limiter les inondations côtières. On estime que les mangroves permettent de réduire de plus de 65 000 milliards de dollars par an les dommages liés aux inondations partout dans le monde (4) tout en capturant d’importantes quantités de carbone. La plantation et la réhabilitation de mangroves le long du delta du Mékong et du fleuve Rouge est un projet de grande envergure, estimé à environ 250 millions de dollars. L’étude indique toutefois que cela permettrait de réduire de 50 % le coût des dommages causés par les typhons, même après déduction des frais de plantation et d’entretie.
Photo 2 : Gabions, digues et mangroves : trois solutions complémentaires pour réduire les risques d’inondation dans les zones côtières du Vietnam.
Selon les conclusions de notre étude, combiner l’utilisation de mangroves, de digues et de gabions pourrait supprimer totalement les risques d’inondation causés par les typhons, même les plus violents, sur les cultures, de l’éliminer presque totalement pour les habitations dans le cas d’événements se produisant en moyenne tous les 25 ans ou moins, et de réduire d’un tiers les risques provoqués par les événements les plus violents (se produisant une fois par siècle). Plus important encore, le nombre de victimes humaines serait réduit de 80 % pour les typhons d’intensité moyenne (survenant tous les 25 ans) et de 70 % pour les plus graves (survenant tous les 100 ans). Financièrement, le rapport bénéfices/coût resterait positif pour toutes les mesures d’adaptation : il serait d’environ 2 pour les digues, 8 pour les gabions et même 9 pour les mangroves. Pour schématiser, 1 dollar dépensé pour les mangroves permet d’économiser environ 9 dollars en cas de dégâts causés par les inondations.
L’étude analyse enfin l’intérêt de mettre en place, une fois que le risque a été réduit de manière significative grâce à des mesures d’adaptation, une solution d’assurance indemnisant l’État ou la ville touchée, en cas de typhon grave. Ces fonds pourraient être utilisés pour mener des actions d’urgence et des programmes de reconstruction, selon des plans d’urgence prédéfinis, en mettant l’accent sur l’assistance à apporter aux populations les plus vulnérables.
C’est dans ce mécanisme de protections combinées que doit résider l’essence de l’approche des assureurs face au risque climatique pour les prochaines décennies : conseiller les décideurs publics et privés sur les différentes façons de réduire les risques, puis assurer le risque résiduel. L’assurance permet à l’État de lisser la volatilité des budgets fiscaux et d’obtenir un dédommagement rapide après une catastrophe naturelle sans avoir à réallouer ce budget. C’est notamment le cas de l’assurance paramétrique, grâce à laquelle le paiement est déclenché immédiatement en cas de dépassement du seuil d’un paramètre météorologique prédéfini (par exemple, la vitesse du vent en cas de typhon).
Le changement climatique va très probablement entraîner une augmentation des risques climatiques et, par conséquent, des primes d’assurance au fil du temps. Investir dans des mesures d’adaptation rentables susceptibles de réduire considérablement ces risques permet de contenir ces coûts et de limiter les dégâts liés aux catastrophes naturelles.
Vous pouvez consulter ici l’étude complète : Arun R., Qinhan Z., Annette D., Karina W & Christelle C : Strengthening climate-resilient development and transformation in Viet Nam, 2022.
Pour plus d’informations, vous pouvez contacter Karina WHALLEY, Head of Public Sector solutions, karina.whalley@axa.com, Eliot PERNET, Public Sector Business Developer, eliot.pernet@axa.com et Christelle CASTET, Climatologue chez AXA Climate, christelle.castet@axa.com
La version française est une traduction de l’article original en anglais, à des fins informatives exclusivement. En cas de divergences, l’article original en anglais prévaudra.