Jeremy GleesonGestionnaire de portefeuilles Equities, AXA IM
4 novembre 2021
Le chemin vers une société sans numéraire se poursuit. Toutefois, bien que nous soyons convaincus que cette transition ouvrira de nouvelles perspectives d’investissement, elle est également synonyme de nouveaux défis et de durcissement de la réglementation pour les entreprises qui évoluent dans cet univers.
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Le chemin vers une société sans numéraire se poursuit. Toutefois, bien que nous soyons convaincus que cette transition ouvrira de nouvelles perspectives d’investissement, elle est également synonyme de nouveaux défis et de durcissement de la réglementation pour les entreprises qui évoluent dans cet univers.
Comme nous l’avons signalé en juin 2020[1], la pandémie a suscité une explosion des paiements dématérialisés, les consommateurs se tournant vers Internet pour leurs achats en raison des mesures de confinement. Selon un rapport, les paiements en numéraire sont trois fois moins nombreux depuis la crise sanitaire, par rapport aux prévisions antérieures.[2]
Les statistiques montrent que cette tendance se renforce alors que de nombreux consommateurs ont déjà indiqué qu’ils continueront à recourir aux paiements numériques une fois la pandémie terminée. Une analyse de PwC a révélé que le volume des paiements numériques devrait augmenter de plus de 80 % à l’échelle mondiale entre 2020 et 2025, passant d’environ 1 000 milliards d’opérations à près de 1 900 milliards, et qu’il devrait quasiment tripler d’ici à 2030.[3]
Parallèlement, une étude menée par Capgemini prévoit que le nombre d’opérations sans numéraire atteindra le chiffre record de 1 100 milliards d’ici à 2023, avec un taux de croissance annuel de plus de 11 %.[4] Enfin, une enquête réalisée par Mastercard a montré que 74 % des consommateurs continueraient à utiliser les solutions de paiement sans contact après la pandémie.[5]
Toutefois, bien que la pandémie ait entraîné une hausse des opérations numériques, un changement structurel est également en cours. Les autorités financières et fiscales sont pour la plupart favorables à la migration vers le paiement dématérialisé dans la mesure où l’évasion fiscale et les opérations non déclarées sont beaucoup plus difficiles à réaliser dans une société sans numéraire.
Cela explique en partie pourquoi, dans certains pays, les autorités encouragent le paiement sans numéraire. Au Japon, les consommateurs bénéficient d’un remboursement partiel de leurs achats par carte ou reçoivent des points de fidélité[6], tandis qu’en Italie, une loterie est organisée pour les clients qui effectuent ce type de paiement.[7] D’autres pays, comme la France et le Royaume-Uni, ont relevé les plafonds de paiement sans contact, tandis que l’Union européenne a proposé la mise en place d’un cadre relatif à une identité numérique européenne afin de rendre les opérations sans numéraire plus sûres et plus transparentes.[8]
Avec les paiements numériques, les règlements transfrontaliers peuvent être traités plus efficacement, permettant aux entreprises de vendre plus facilement à leurs clients étrangers. Ils ont également permis aux distributeurs de proximité qui ont adopté le commerce électronique de toucher une clientèle plus large que celle de leur environnement proche. Les paiements numériques peuvent même permettre aux entreprises de réaliser des économies à long terme, une fois les infrastructures mises en place, dans la mesure où il n’est plus nécessaire de procéder à un long processus de rapprochement de trésorerie ou de se rendre à la banque pour déposer les fonds à la fin de la journée.
Bien entendu, la transition vers une société sans numéraire n’est pas si simple à réaliser. Les sociétés de paiement, et toute entreprise qui accepte les paiements en ligne, doivent prendre des mesures pour protéger leurs clients contre la fraude et sécuriser leurs données personnelles.
En tant que gérant d’actifs, nous devons veiller à ce que les entreprises que nous détenons en portefeuille investissent à leur tour suffisamment dans ce domaine, que ce soit par l’intermédiaire de sociétés de cybersécurité travaillant directement avec le secteur des services financiers, comme Palo Alto Networks et Zscaler, ou du secteur – en pleine expansion – de l’assurance cybersécurité, qui propose aux entreprises une protection contre les cyberattaques.
En tant qu’investisseurs responsables, nous sommes également très conscients des enjeux liés à l’inclusion financière. La question de la fracture numérique
suscite des inquiétudes dans la mesure où l’argent liquide risque de rester indispensable pour certains groupes. Toutefois, dans la mesure où la pandémie a amené un plus grand nombre de consommateurs à faire leurs achats en ligne pour la toute première fois, le paiement numérique n’a jamais été aussi accessible au plus grand nombre. Il peut se faire par l’intermédiaire de services bancaires en ligne ou de portefeuilles électroniques tels que Venmo (PayPal) ou Cash App (qui appartient à Square), ou encore au moyen de dispositifs portables comme l’Apple Watch, laquelle permet également d’effectuer des paiements sans contact.
Par ailleurs, un rapport publié récemment par le groupe de paiements mobiles Boku a révélé que les wallet accessibles depuis un téléphone portable ont permis à des milliards de nouveaux consommateurs d’effectuer des paiements sans numéraire, un grand nombre d’entre eux étant non-bancarisés.[9] En ce sens, le paiement sans numéraire a, dans une certaine mesure, favorisé l’inclusion financière en permettant à certaines populations les plus défavorisées d’accéder à des services financiers qui leur étaient auparavant inaccessibles.
Si nous sommes globalement sceptiques quant au rôle des cryptomonnaies dans les portefeuilles d’investissement à long terme[10], nous observons déjà qu’un nombre croissant d’entreprises, dont Tesla et Microsoft, les acceptent comme moyen de paiement pour leurs produits. Les prestataires de services de paiement et les émetteurs de cartes, comme PayPal, Square et Visa, ont quant à eux facilité l’utilisation des cryptomonnaies pour les paiements.
Selon nous, les gagnants de cette transition seront les grandes entreprises qui disposent d’écosystèmes de paiement complets, sur l’ensemble du spectre des paiements P2P (peer to peer), de consommateur à entreprise et d’entreprise à entreprise. Certaines pourront se développer de manière organique, d’autres le feront par voie d’acquisition.
Visa a récemment racheté une plateforme bancaire européenne baptisée Tink[11] ainsi que la fintech Currencycloud[12], ce qui devrait lui permettre de créer des produits plus personnalisés et d’élargir sa gamme de services, par exemple en permettant aux clients de regrouper tous leurs services financiers sur une seule application afin d’obtenir une vue globale de leur situation financière. PayPal met actuellement au point un nouveau portefeuille numérique destiné à devenir une super application
proposant un large éventail de services aux consommateurs[13], à l’instar de WeChat et Alipay en Chine et de Paytm en Inde.
L’Open Banking, qui autorise les prestataires tiers à accéder aux données des banques et des institutions financières, permettra de plus en plus aux entreprises technologiques qui peuvent également accéder à un large éventail de données non financières relatives aux consommateurs de concevoir toute une série de services allant de l’accélération des paiements aux modèles d’évaluation de la solvabilité. Cela leur confère un avantage potentiel susceptible de faire perdre des parts de marché aux sociétés financières traditionnelles dans les prochaines années.
Cette évolution risque d’avoir des répercussions sur le système financier dans son ensemble. Il faudra aussi s’attendre à ce que les autorités interviennent et renforcent la réglementation au niveau mondial, comme c’est déjà le cas en Chine.[14] En conséquence, les prestataires de services de paiement numérique les plus importants, les mieux établis et qui sont déjà historiquement actifs dans la sphère financière pourraient profiter d’un avantage significatif en raison de leur expérience vis-à-vis de l’environnement réglementaire.
Dans la mesure où les consommateurs préfèrent les solutions intégrées leur permettant de gérer leurs finances et de régler leurs achats comme ils l’entendent, nous pensons que de nombreuses entreprises purement axées sur les moyens de paiement risquent d’être rachetées ou évincées au bénéfice des entreprises capables d’agir à grande échelle pour fournir une solution de paiement transparente, sécurisée et souple qui sortiront gagnantes. Il est également indéniable que la transition vers une société sans numéraire constitue une formidable opportunité pour les investisseurs ; nous ne sommes qu’au début de cette tendance.
[1] What is the future of a cashless society in a post-COVID-19 world? | AXA IM Core (axa-im.com)
[2] The Global Payments Report, Worldpay, 2021
[3] Payments 2025 & Beyond, PwC 2021
[4] World Payments Report 2020, Capgemini, octobre 2020
[5] Mastercard study shows consumers moving to contactless payments for everyday purchases, avril 2020
[6] Japan’s Cashless Vision Is Starting to Come to Fruition - Insider Intelligence Trends, Forecasts & Statistics (emarketer.com)
[7] Will Italy’s Push For A Cashless Society Change Its Economy Forever? (forbes.com)
[8] La Commission propose une identité numérique fiable et sécurisée (europa.eu)
[9] Mobile Wallets Report 2021, Boku, 2021
[10] Bitcoin: Is it an asset or just pure speculation? | AXA IM Core (axa-im.com)
[11] https://www.visa.co.uk/about-visa/newsroom/press-releases.3112117.html
[12] Visa acquires Currencycloud, which makes APIs for remittances and currency transfers, in a $963M deal | TechCrunch
[13] https://uk.finance.yahoo.com/news/paypals-super-app-ready-launch-142558952.html
[14] China plans tougher antitrust rules for non-bank payments industry | Reuters
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