Tom RileyGestionnaire de portefeuille, AXA IM Stratégie robotique
20 octobre 2020
2,7 millions de robots industriels opèrent aujourd’hui dans les usines à travers le monde. Un chiffre qui marque un nouveau record, avec une augmentation de 85 % au cours de cinq années qui ont précédé 2019, selon la Fédération internationale de la robotique (IFR) [1].
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À l’heure actuelle, l’Asie constitue le plus grand marché pour les robots industriels, avec la Chine en tête de peloton, suivie par le Japon puis les États-Unis. En Europe, c’est l’Allemagne qui est le plus grand utilisateur de robots.
Cette remarquable montée en puissance des machines n’a pourtant rien de surprenant. Pendant un certain temps, les robots ont travaillé aux côtés des humains, les aidant à effectuer des tâches complexes et parfois même dangereuses : en opérant par exemple dans des situations extrêmes, voire risquées, ou en accompagnant des procédures médicales particulièrement délicates.
La pandémie n’a manifestement pas ralenti la croissance de ce secteur. À la fin de l’année 2019, le marché mondial de la robotique représentait 34 milliards de dollars, et les prévisions laissent penser qu’il atteindra un taux de croissance à deux chiffres entre 2020 et 2025 [2] grâce à l’augmentation de la demande de production et à l’amélioration des mesures sanitaires et de sécurité sur les lieux de travail.
Mais alors que le ralentissement économique mondial a contraint de nombreuses entreprises à suspendre leurs plans d’investissements afin de préserver leur trésorerie (impactant de ce fait la demande à court terme de robots dans l’industrie et le commerce), la tendance devrait rester positive sur le long terme.
L’IFR prévoit que d’ici 2022, un stock opérationnel de presque 4 millions de robots industriels sera mis en fonctionnement dans les usines du monde entier [3]. Selon la Fédération internationale, ces machines seront amenées à jouer un rôle majeur dans l’automatisation de la production pour accélérer la reprise post-Covid-19.
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Parmi les changements observés dans les modes de consommation et dans l’attitude générale des entreprises durant le confinement mondial, beaucoup impliquent davantage d’automatisation, de l’inventaire des stocks dans les entrepôts jusqu’au traitement des commandes.
On constate à l’heure actuelle une activité d’investissement importante en direction de l’automatisation des entrepôts, alimentée par le développement du commerce en ligne durant la pandémie. Même si le passage à l’e-commerce restera temporaire pour certains, pour beaucoup d’autres les habitudes de consommation seront modifiées de façon permanente, ce qui risque d’entraîner des dépenses significatives pour les entreprises en matière de logistique et de centres de distribution. Ce phénomène ouvrira également des opportunités à de nombreux fournisseurs de composants robotiques, comme les fabricants de capteurs, de logiciels et de semi-conducteurs.
Dans notre société en mutation, de plus en plus de secteurs font appel à la robotique, notamment la médecine ; en effet, le vieillissement de la population fait augmenter la demande en termes de moyens plus efficaces et moins chers d’administrer les soins. La chirurgie robotique et les soins de santé en général profitent du développement de nouvelles applications – une grande partie du marché est actuellement focalisée sur le traitement de la hernie et des problèmes colorectaux, mais le recours aux robots tend à se généraliser à l’ensemble du domaine chirurgical.
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L’utilisation de la technologie informatique pour garder les patients sous surveillance constante peut également jouer un rôle préventif, en détectant des anomalies avant même l’apparition de symptômes visibles – non seulement en réduisant le besoin en traitements et actes médicaux coûteux, mais aussi en permettant de sauver des vies. Ce type de données et d’analyses, dont l’intérêt a été mis en lumière lors de la pandémie, est essentiel dans le cadre, entre autres, des Ehpad, ou lorsqu’un patient doit rester confiné chez lui.
Pour initier une relance verte
post-Covid-19, l’accent a été mis avec plus de fermeté sur les émissions de CO2. Les véhicules électriques (VE) et les technologies de conduite autonome avancent main dans la main, et le marché de masse des VE est déjà une réalité, tandis que l’autonomie partielle fait de plus en plus d’adeptes dans le secteur automobile ; un secteur qui risque d’être boosté par la volonté des gouvernements et des consommateurs de se tourner vers des moyens de transport moins polluants.
L’infrastructure liée au marché des VE devrait également attirer des niveaux importants d’investissements. À ce titre, la robotique et les fournisseurs de composants sont potentiellement très bien placés pour récolter les fruits de cette demande croissante.
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La pandémie n’a toutefois pas freiné ni même perturbé les tendances à plus long terme au sein du secteur de la robotique.
L’infrastructure relative à la 5G (les stations de base, entre autres) sont en cours de déploiement partout dans le monde, et l’on prévoit l’adoption généralisée des nouveaux smartphones 5G dès leur lancement sur le marché – une autre tendance susceptible de soutenir le secteur de la robotique. Une impulsion qui proviendra sans doute du besoin d’automatiser la fabrication de ces nouveaux appareils, car le secteur de l’électronique grand public est l’un des plus gros clients de la robotique industrielle, en particulier pour les semi-conducteurs utilisés dans la technologie 5G.
En se projetant plus loin dans l’avenir, la généralisation de la 5G, en améliorant la connectivité et la qualité de la communication, va probablement augmenter le nombre de véhicules connectés et provoquer l’implantation d’usines de plus en plus intelligentes et automatisées.
Cependant, la perturbation des chaînes d’approvisionnement dans de nombreux secteurs, conséquence du confinement mondial provoqué par la pandémie, ainsi que les actuels différents commerciaux à l’échelle internationale, obligent les entreprises à repenser leurs implantations industrielles et leur approvisionnement en composants de base. Même s’il faudra du temps pour restructurer les chaînes mondiales d’approvisionnement, de nouvelles opportunités vont s’offrir aux entreprises de robotique, aux USA comme en Europe. On prévoit également une croissance de l’investissement dans la production nearshore
(locale), notamment à mesure que diminuent, chaque année, les avantages financiers d’une production externalisée dans les pays en développement.
Les confinements provoqués par le coronavirus ont démontré que l’on peut à présent ajouter la distanciation sociale à la liste des atouts de la robotique, en plus de l’augmentation de la croissance dans tous les secteurs évoqués ci-dessus. Mais même lorsque la pandémie sera derrière nous, l’industrie robotique gardera probablement sa vitesse de croisière et ses perspectives à long terme, soutenue par une demande qui ne fait qu’augmenter.