Eliot PernetPublic Sector Business Developer chez AXA Climate
31 mars 2022
Le rythme de l’urbanisation constitue un défi sans précédent et une trajectoire de résilience passe par deux étapes essentielles : attribuer une valeur aux solutions d’adaptation et à leurs bénéfices, et s’assurer que ces mesures d’adaptation soient équitables pour toutes les parties prenantes.
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Le rythme de l’urbanisation constitue un défi sans précédent. La proportion de personnes vivant dans les villes continue de croître inexorablement partout dans le monde ; de 39 % en 1980, elle est passée à 46 % en 2000 puis 56 % en 2020 (1) et devrait même atteindre 70 % en 2050 (2).
Il n’est donc pas surprenant que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ait consacré le 6e chapitre de son dernier grand rapport à la question de l’urbanisation (3). Les villes, qui concentrent 75 % des émissions mondiales de GES (4), sont désormais les axes majeurs de la réalisation des objectifs mondiaux en matière de résilience climatique. Mais si le mégapoles sont au cœur du débat, il ne faut cependant pas négliger l’importance des petites
villes de moins d’un million d’habitants, qui sont confrontées aux mêmes défis.
On peut délimiter trois écueils principaux liés à l’urbanisation, en particulier dans les pays en développement où se concentre l’essentiel de la croissance urbaine :
Comme souvent, les populations les plus vulnérables sont en première ligne, car elles ont tendance à vivre dans les quartiers les plus exposés et les moins bien gérés. Le manque d’infrastructures transforme généralement un événement de faible importance en catastrophe humaine et matérielle : de fortes pluies dans un quartier pauvre, par exemple, risquent de conduire à des inondations de grande ampleur, en raison du mauvais drainage des sols.
Illustration 1 : Les zones les plus sombres correspondent au risque le plus élevé. La taille des points représente la taille de la population des villes. (a)
Le Forum économique mondial estime que 1 600 villes de plus de 300 000 habitants vivent sous la menace des inondations (13), soit plus de 1,4 milliard de personnes – dont 600 millions vivent en-dessous du seuil de pauvreté (14). En 2019, les inondations ont causé près de 46 000 milliards de dollars de dégâts et entraîné la mort d’environ 4 500 personnes, ce qui représente la moitié des pertes totales dues à l’ensemble des catastrophes naturelles (15).
Ce tableau est encore assombri par les prévisions démographiques, selon lesquelles le nombre de personnes vivant sur les littoraux devrait augmenter de 300 % au cours des 50 prochaines années (16). On estime que le coût mondial des inondations pourrait doubler d’ici 2030 par rapport à 2020 et même quadrupler pour les inondations provoquées par de fortes pluies, pour atteindre un coût annuel moyen de 140 milliards de dollars (17).
Illustration 2 (a) : Inondations à Lagos (Nigeria) en 2010.
Illustration 2 (b) : Beletweyne (Somalie), 2010. En raison d’un faible drainage des sols et de la mauvaise gestion des déchets, les inondations représentent un risque chronique dans de nombreuses villes africaines.
Il n’est pas question de renoncer à l’objectif de développement durable n°11 du Programme des Nations unies ( Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables
). Face à ces prévisions alarmistes, le besoin d’adaptation est devenu une réelle urgence. Mais par où commencer ?
Chaque acteur a sa propre réponse à cette vaste question. Pour notre part, nous adoptons une approche en trois étapes pour aborder la question de l’adaptation des villes aux risques naturels.
1. Comprendre les risques. Dans les pays en développement, de nombreuses villes ne disposent pas de carte précise de leur exposition aux différents risques climatiques et catastrophes naturelles, rue par rue, à différents horizons temporels et selon plusieurs scénarios climatiques. Ce travail de cartographie doit être réalisé à l'aide de données, de scénarios et d'outils de projection climatique publics, et doit ensuite être résumé pour être compréhensible par tous, en collaboration avec des experts locaux.
2. Identifier les mesures d’adaptation nécessaires pour réduire l’impact du risque. On distingue traditionnellement deux types de mesures d’adaptation. D’une part, les mesures grises
(digues, gabions, bassins de rétention, densification des constructions pour limiter la surface occupée par les villes). D’autre part, les mesures vertes
ou solutions fondées sur la nature
(SFN), telles que la végétalisation des villes, la filtration naturelle de l’eau, la préservation des habitats naturels autour des zones urbaines ou encore la plantation de mangroves sur les littoraux pour limiter l’impact des tempêtes côtières. Si les mesures grises et vertes fonctionnent souvent très bien lorsqu’elles sont combinées, les secondes souffrent d’un manque flagrant d’investissements. Les SFN ne représentent en effet actuellement, que 0,3 % des fonds investis dans les infrastructures urbaines (18), alors qu’elles sont moitié moins coûteuses que leurs alternatives grises. En outre, leurs bénéfices directs et environnementaux – tels que la réduction des risques, mais aussi la capture du CO2, l’amélioration de la santé des écosystèmes et du bien-être humain – sont estimés à 28 % supérieurs (19). Il ne fait aucun doute qu’augmenter de 1 % ou 2% le montant des investissements dans les SFN serait hautement bénéfique pour la résilience et le bien-être des communautés.
3. Hiérarchiser les mesures d’adaptation. Les décideurs politiques cherchent à agir sur une base concrète et opérationnelle. Deux approches complémentaires peuvent être adoptées en vue de prioriser ces actions. D’une part, une analyse quantitative permet d’identifier les mesures les plus rentables pour la ville en termes de dommages évités par rapport à leur coût (c’est le rapport coût-bénéfice). D’autre part, une approche plus qualitative permet de rendre compte de la répartition du bénéfice entre les différentes catégories socio-économiques de la ville, afin d’atténuer la corrélation systématique entre pauvreté et risque.
Illustration 3 : Grâce au financement apporté par le Fonds pour l’environnement mondial, le PNUD Timor-Leste a récemment mis en œuvre un projet de plantation de mangroves sur 4 ans dans le but de renforcer la résilience des communautés côtières face aux ondes de tempête.
On peut compléter cette approche progressive par la mise en place d’un système d’assurance paramétrique pour protéger directement une ville contre les catastrophes naturelles. Cela lui permettra de limiter considérablement la volatilité de son budget dans le temps, grâce à la prime fixe qui lui sera versée et qui servira à transférer à des (ré)assureurs internationaux des risques aussi importants qu’imprévisibles. L’assurance paramétrique permet également aux villes d’acquérir davantage d’autonomie par rapport à l’État, et d’agir plus rapidement en cas de catastrophe naturelle grâce aux fonds récoltés directement auprès des assureurs.
Pour conclure, une trajectoire de résilience passe par deux étapes essentielles : attribuer une valeur aux solutions d’adaptation et à leurs bénéfices, et s’assurer que ces mesures d’adaptation soient équitables pour toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des communautés ou de l’écosystème lui-même.
Pour plus d’informations, vous pouvez contacter Eliot PERNET, Public Sector Business Developer at AXA Climate, eliot.pernet@axa.com
La version française est une traduction de l’article original en anglais, à des fins informatives exclusivement. En cas de divergences, l’article original en anglais prévaudra.
Impacts, Adaptation and Vulnerabilities. Un résumé à l'intention des décideurs ainsi qu’une vidéo de 5 minutes réalisée par AXA Climate et reprenant les principaux points à retenir sont disponibles ici : https://axaclimate.wistia.com/medias/w9du9ly2c2
1.47 billion people face flood risk worldwide: for over a third, it could be devastating, World Bank Blogs, 2020.
Land subsidence in Houston correlated with flooding from Hurricane Harvey, Remote Sensing of Environment, vol. 225, 2019, pp. 368- 378.