Thomas BurberlCEO d’AXA
11 juin 2021
Tribune de Thomas Buberl, CEO d’AXA
5 minutes
En tant que CEO européen d’un groupe mondial engagé depuis longtemps dans la lutte contre le changement climatique, j’ai toujours été convaincu que les États-Unis avaient un rôle décisif à jouer dans la réalisation des objectifs ambitieux de l’accord de Paris sur le climat. Les engagements en matière de réduction des émissions pris par le président Biden et par de nombreux autres dirigeants mondiaux lors du Sommet sur le climat récemment organisé à la Maison Blanche prouvent que ces objectifs sont désormais en vigueur des deux côtés de l’Atlantique, en amont des négociations clés qui auront cours lors de la COP26, à Glasgow, en novembre prochain.
Le mois dernier, l’administration Biden a publié un décret novateur pour protéger le secteur financier américain et mondial des risques engendrés par le changement climatique. Ce décret charge la secrétaire au Trésor Janet Yellen, en tant que présidente du Conseil de surveillance de la stabilité financière (FSOC), d’évaluer la nécessité de toute action engagée pour améliorer la transparence sur les informations relatives au climat
divulguées par les institutions financières afin d’atténuer le risque financier lié au climat encouru par le système ou les actifs financiers
.
Autre exigence, un rapport soumis au président, dans un délai de 180 jours, détaillant tous les efforts déployés par les régulateurs et les agences américaines pour intégrer dans leurs pratiques la prise en compte des risques financiers liés au climat
. Il est essentiel de bien comprendre les risques que fait peser le changement climatique sur la stabilité du secteur financier ; mais le rôle des assureurs est lui aussi particulièrement crucial, en raison du volume de leurs investissements et de leurs compétences en matière de gestion des risques.
En tant qu’investisseur financier, le secteur de l’assurance doit s’orienter vers une économie plus durable. AXA, le groupe mondial d’assurances que je dirige, a par exemple mis en place une stratégie de lutte contre le changement climatique pour réduire à zéro les émissions induites par nos portefeuilles d’investissements d’ici 2050. Nous avons également plus que doublé notre objectif d’investissements verts pour atteindre 25 milliards d’euros d’ici 2023, et programmé notre retrait total de l’industrie charbonnière grâce à des restrictions d’investissements et de souscriptions. Convaincus qu’en matière de climat, la convergence est primordiale autour des normes de reporting et des objectifs validés par la science, nous nous apprêtons à publier la sixième édition de notre Rapport sur le climat, qui détaille l’ensemble de nos efforts dans ce domaine et l’alignement de notre portefeuille d’actions sur l’objectif de 1,5°C prévu par l’accord de Paris.
Mais alors que nous entrons dans ce que l’on considère de plus en plus comme une décennie décisive
pour la lutte contre le changement climatique, les actions individuelles des entreprises ne suffisent pas ; c’est toute l’industrie qui doit changer de modèles d’investissement et mettre en commun ses expériences en matière de gestion des risques.
AXA a rejoint la Glasgow Financial Alliance for Net Zero
, qui rassemble plus de 160 entreprises — représentant plus de 70 000 milliards de dollars d’investissements provenant d’initiatives de premier plan dans l’ensemble du secteur financier — pour accélérer la transition vers des émissions nulles d’ici 2050 au plus tard. Toutefois, en tant qu’assureurs, nous savons qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir, par exemple en intégrant l’objectif de neutralité carbone dans les activités de souscription d’assurances de base.
A la fin de l’année dernière, lors du 5e anniversaire de l’accord de Paris, nous avons appelé à la création d’une Net-Zero Insurance Alliance
convoquée par les Nations Unies afin d’étendre les engagements de notre secteur aux décisions de souscriptions. Depuis, nous avons été rejoints par plusieurs assureurs et réassureurs de premier plan ; cet automne verra le lancement de la Net-Zero Insurance Alliance, dont AXA assurera la présidence, dans le cadre de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero
. Des initiatives rendues urgentes par l’augmentation très rapide des coûts engendrés par le changement climatique.
Selon un rapport de la société de réassurance Munich Re, l’intensification des ouragans, des feux de forêt et des inondations, qui vont atteindre des niveaux record en raison du changement climatique, va coûter au monde 210 milliards de dollars pour la seule année 2020. Un phénomène qui générera des risques nouveaux pour les investisseurs, les entreprises de toutes tailles et les consommateurs, mais aussi pour les contribuables et pour les gouvernements. Le changement climatique va non seulement provoquer des événements météorologiques plus coûteux – inondations, incendies, vagues de chaleur… - mais également accélérer la survenue d’autres risques émergents. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations Unies prévoit par exemple qu’on pourrait recenser jusqu’à un milliard de migrants climatiques se déplaçant à l’intérieur ou entre les pays d’ici 2050, créant de fortes tensions géopolitiques. Les experts d’AXA insistent sur le fait que le changement climatique, le déclin de la biodiversité et la dégradation de l’environnement sont liés et se nourrissent les uns des autres.
A titre d’exemple, les gigantesques incendies, les pluies et les inondations sans précédent aux États-Unis, lorsqu’ils sont combinés, ont des conséquences de très grande portée, allant des pertes économiques et des dommages matériels jusqu’au dépérissement des forêts et des zones humides, rendues très vulnérables. Nous sommes à l’aube d’une action ambitieuse, qui va établir de nouvelles normes dans la façon dont les assureurs évaluent et classifient les risques, avec une plus grande attention portée aux impacts des activités assurées sur le changement climatique. Un bouleversement qui pourrait se traduire par des mesures d’incitation vis-à-vis des projets verts et par l’augmentation des primes d’assurances pour désamorcer les activités à forte intensité de carbone. Plus les assureurs s’engageront dans ce genre d’initiatives, plus ils encourageront le développement de leurs clients verts
tout en incitant les autres à se diriger vers des business models à faible émission de carbone. Ce n’est pas une bataille facile à mener pour les assureurs. Mais nous partageons une responsabilité collective, celle de prendre en compte l’impact environnemental à long terme de nos activités – qu’il s’agisse d’investissement comme de souscription. La Net Zero Insurance Alliance va constituer une étape majeure de notre engagement dans la lutte contre le changement climatique. Nous espérons que les assureurs américains nous soutiendront en rejoignant cette nouvelle alliance en amont de la COP26.