Mattieu DaubinChief Underwriting Officer, Marine chez AXA XL en APAC & Europe
8 septembre 2021
Alors que les experts du secteur de l’assurance maritime se réunissent en distanciel ce mois-ci à l’occasion de l’organisation internationale de l’assurance maritime (IUMI), la lutte pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est érigée en priorité 1. Comment relever ce défi tout en permettant à l’industrie du shipping de continuer d’évoluer ? Une problématique dont l’IUMI se fait l’écho avec son thème majeur Les voies vers un futur durable, résilient et innovant
. Mathieu Daubin, Chief Underwriting Officer, Marine pour AXA XL en APAC & Europe, aborde ce défi et le rôle qu’ont à jouer le risk management et l’assurance.
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A l’instar de nombreux secteurs de l'économie mondiale, l’industrie du shipping fait face à un défi majeur : réduire ses émissions de CO2. Alors que les experts du secteur de l’assurance maritime se réunissent (en distanciel) ce mois-ci à l’occasion de l’organisation internationale de l’assurance maritime, IUMI, la lutte pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et la manière dont le transfert de risques peut contribuer à ce changement, est érigée en priorité.
Le transport maritime joue un rôle prépondérant dans l’économie mondiale – environ 80% du volume du commerce international de marchandises est transité par la mer - et à l’origine d’environ 2,5% à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon les estimations de l’Union européenne et d’autres organismes d’experts.
Tant dans le secteur du transport maritime que sur la scène politique mondiale, des mesures sont prises pour trouver des moyens de réduire ces émissions.
A l’occasion de la COP26, la conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Glasgow, en Écosse, l’industrie du transport maritime organisera un événement intersectoriel sur la décarbonisation. Intitulé Shaping the Future of Shipping
, cet événement réunira des experts de l’industrie et des leaders internationaux du climat qui discuteront des défis auxquels l’industrie est confrontée pour progresser vers la neutralité carbone.
La Commission européenne s’est fixée comme objectif ambitieux d’atteindre la neutralité carbone au sein de l’Europe d’ici 2050 et un objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030. Dans le cadre de ses objectifs, la Commission européenne s’est récemment tournée vers le transport maritime.
En juillet, la Commission européenne a adopté une série de propositions législatives exposant la manière dont elle entend atteindre ces objectifs. L’une de ces propositions est que le transport maritime soit ajouté au SEQE (Système d’Echange de Quotas d’Emissions de gaz à effet de serre).
Le SEQE oblige les pollueurs à payer pour chaque tonne de CO2 qu’ils génèrent. Le SEQE s’applique actuellement aux installations de production d’électricité, aux installations du secteur de l’industrie manufacturière et à l’aviation. La Commission européenne propose que le transport maritime soit progressivement intégré au système sur une période de trois ans.
Le SEQE s’appliquerait sur toutes les émissions des navires faisant escale dans un port de l’UE pour des voyages au sein de l’UE ainsi que 50% des émissions des voyages commençant ou se terminant en dehors de l’UE ainsi que les émissions qui se produisent lorsque les navires sont à quai dans les ports de l’UE.
La proposition a été accueillie avec une certaine réserve par la Chambre internationale de la marine marchande, dont le secrétaire général Guy Platten a estimé que la proposition ne couvrirait qu’environ 7,5% des émissions mondiales du transport maritime et qu’une taxe pourrait être un moyen plus efficace de réduire les émissions de CO2.
Si la proposition de la Commission européenne prendra plusieurs années pour être ratifiée par les États membres et le Parlement européen, il semble clair que l’industrie du transport maritime doive participer au SEQE dans un avenir relativement proche.
Au-delà des mesures internationales et politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, les compagnies maritimes, elles aussi, sont confrontées à un défi de la part de leurs propres parties prenantes pour trouver des moyens de répondre aux objectifs de durabilité.
Le géant maritime Maersk a récemment investi 1,4 milliard de dollars dans une flotte plus verte avec l’achat de huit nouveaux porte-conteneurs neutres en carbone, dont le premier commencerait à fonctionner au premier trimestre de 2024. Maersk a précisé qu’ils remplaceront les anciens navires de la flotte de l’entreprise, économisant environ un million de tonnes de dioxyde de carbone par an.
Maersk a déclaré que cette décision s’inscrit dans une démarche d’engagement auprès de ses clients qui cherchent à décarboniser leurs chaînes d'approvisionnement. Dans un communiqué, Maersk a ajouté que plus de la moitié des 200 plus gros clients de l’entreprise ont fixé des objectifs scientifiques ou zéro carbone pour leurs chaînes d’approvisionnement ou sont en train de le faire.
Les nouveaux navires fonctionneront avec de l’e-méthanol neutre en carbone ou du bio-méthanol durable. Maersk a souligné que l’approvisionnement en quantités suffisantes de ces types de carburant était un défi potentiel et a déclaré qu’il travaillerait avec l’industrie pour trouver des moyens de s’assurer qu’il y a suffisamment de ressources de combustibles décarbonées à disposition.
L’assurance aura un rôle essentiel à jouer pour accompagner les clients du transport maritime dans l’atteinte de leur objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La compréhension des risques dans la conception de navires capables de naviguer avec de nouveaux types de carburant est l’un de ces domaines. Si nos équipes de risk consulting et de souscription sont en mesure d’évaluer les données sur ces nouveaux navires, il sera alors possible de créer, par exemple, des solutions d’assurance adaptées au nouveau profil de risque de ces navires.
De façon plus générale, nous avons la conviction que l’assurance maritime se trouve dans une position privilégiée pour encourager ses clients du secteur du shipping à communiquer et faire un benchmark sur leur empreinte carbone et les aider également à trouver des moyens d’atteindre les objectifs de réduction de leurs émissions.
Le marché de l'assurance maritime est en effet riche de plusieurs centaines d'années d’expérience. Une expérience approfondie aujourd’hui grâce à l’accès à l’information sur les risques climatiques, le recours aux données et aux outils, ainsi qu’à l’expertise accrue des risques et à la modélisation.
Des rassemblements tels que l’IUMI donnent à notre industrie l’occasion de discuter des enjeux écologiques auxquels sont confrontés les acteurs du shipping et sur la manière dont le marché international de l’assurance maritime peut les aider.
Bien que je sois déçu de ne pas pouvoir me rendre à Séoul en personne
, je me réjouis de l’organisation de cette conférence en virtuel, dont les workshops vont fourmiller d’idées et permettre d’engager des discussions sur l’un des problèmes majeurs de notre époque.