Antimo PerrettaCEO d’AXA Europe et Amérique latine
15 octobre 2021
Il reste du chemin à parcourir pour bien mesurer l’impact de la pandémie – et les inégalités sociales qu’elle a engendrées. Mais si nous gérons judicieusement la prochaine étape de la numérisation des soins médicaux, nous pourrons être fiers d’avoir oeuvré à la mise en place d’un système de santé plus adapté aux besoins spécifiques des femmes.
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Alors que les effets de la pandémie sont toujours perceptibles dans l’ensemble de la société, on commence à avoir une vision plus claire de la manière dont elle a affecté les hommes et les femmes.
Même si une légère majorité des cas de décès liés au Covid-19 ont concerné des hommes, les femmes ont sans doute davantage souffert : elles sont nombreuses à avoir basculé dans la pauvreté, et la violence domestique à leur égard a considérablement augmenté[1] lors des périodes de confinement. Elles ont également été les plus impactées sur le plan de la souffrance mentale : selon une étude menée parAXA[2], 42 % des femmes ont déclaré avoir subi une détériorisation de leur santé mentale pendant la pandémie, contre 33 % des hommes, un écart que les analystes attribuent à la plus grande charge de travail domestique qui incombent aux femmes, associée à davantage d’insécurité financière.
On peut cependant relever une conséquence positive du Covid-19 pour les femmes : la numérisation rapide de la médecine. Aux Etats-Unis, l’utilisation des services de télésanté a été multipliée par 38 par rapport à son niveau d’avant-Covid[3]. Le recours aux consultations médicales à distance a également bondi en Europe, tandis qu’au Royaume-Uni 90 % des consultations se sont faites en ligne ou par téléphone en juillet 2020, alors qu’avant le Covid ce pourcentage concernait les consultations en cabinet[4]. Début 2021, en France, les médecins généralistes ont effectué six fois plus de consultations en ligne qu’au début de l’année 2020[5]. Parmi les utilisateurs des services de téléconsultations d’AXA, 70 % sont des femmes.
Le succès des services de santé en ligne a été tel que ce système va probablement perdurer après la fin de la crise sanitaire mondiale. Le National Health Service britannique a annoncé son intention de proposer des téléconsultations de façon permanente. 40 % des Américains prévoient de continuer à utiliser ce type de services, et 57 % des médecins se disent prêts à conserver leur offre de téléconsultation[6].
Dans l’ensemble, les services de santé en ligne peuvent venir en aide aux femmes de bien des façons. Les consultations à distance ont mis les visites médicales à domicile
à la portée de nombreuses patientes, qui dès lors n’ont plus besoin de faire garder leurs enfants ou leurs parents âgés pour pouvoir se rendre chez le médecin. Du point de vue de la santé mentale, les téléconsultations se révèlent particulièrement utiles, en raison du gain de temps qu’elles suscitent, mais aussi de la plus grande accessibilité aux spécialistes des pathologies mentales. Enfin, la numérisation des services de soins facilite également le quotidien des professionnels de santé, en multipliant les possibilités de travail à domicile.
Mais la consultation en ligne est loin d’être le seul avantage qu’offre la numérisation dans le domaine de la santé, puisqu’elle permet aussi la simplification du suivi des dossiers et du triage des patients, la facilitation de la mise en oeuvre de l’analyse prédictive pour anticiper les risques individuels, et qu’elle est en train de faire de la chirurgie robotique une réalité pratique.
Les résultats ont été suffisamment encourageants, jusqu’ici, pour que certains établissements soient déjà en train de mettre en place de nouvelles offres numériques[7]; un prestataire de soins finlandais a par exemple créé un portail en ligne destiné aux patients, incluant un service de prise de rendez-vous et de renouvellement des ordonnances, tandis qu’un groupe hospitalier basé à Milan travaille actuellement à l’élaboration d’un centre de recherches sur l’IA pour améliorer son processus de diagnostic et de prise de décision.
La numérisation des soins de santé est un chantier au long cours ; il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, et pas seulement d’un point de vue technique. Dans certains pays, la législation devra être modifiée pour pouvoir préserver la vie privée du patient lors des consultations à distance, et les grilles tarifaires restent encore à définir. La fragmentation, la complexité et le coût du parcours médical constituent souvent des obstacles à l’accès aux soins. C’est l’un des principaux objectifs de notre partenariat récent avec Microsoft : le nouvel écosystème
que nous sommes en train d’élaborer ensemble dans le domaine des soins sera un puissant levier pour faciliter l’accès des utilisateurs à de meilleures prestations médicales.
Par ailleurs, dans un monde de plus en plus géré par les systèmes d’IA, il est important de rester très vigilant sur la question des préjugés et des discriminations de genre.
En premier lieu, toutes les parties prenantes de la communauté médicale (prestataires de soins, industrie pharmaceutique, décideurs et consommateurs) doivent se montrer plus exigeants vis-à-vis du système, mais aussi les uns envers les autres, pour faire en sorte d’optimiser les bénéfices de la numérisation.
Il reste du chemin à parcourir pour bien mesurer l’impact de la pandémie – et les inégalités sociales qu’elle a engendrées. Mais si nous gérons judicieusement la prochaine étape de la numérisation des soins médicaux, nous pourrons être fiers d’avoir oeuvré à la mise en place d’un système de santé plus adapté aux besoins spécifiques des femmes.